18 Janvier 2008 : Dakhla - Agadir
Ah ben ça alors !
Qu'est-ce qu'il y a Jules ?
Ben regardez avec quel avion Papa Hôtel arrive à Dakhla... Un Antonov 225...
Et oui... Je le savais... Tu lui as bien dit lors de la dernière étape qu'il ne pilotait pas le plus gros porteur au monde... Alors il a pris la mouche et il a négocié toute cette semaine avec la compagnie ukrainienne Antonov Airlines pour faire le vol de ce soir avec... Et cela a marché, tu vois il est là ! Regarde le bien cet avion, il n'y en a pas 2 au monde... Il est unique. Le seul exemplaire de l'An-225 achevé prit l'air pour la première fois le 21 décembre 1988, décolla avec la navette spatiale Bourane le 13 mai 1989 et participa au salon du Bourget en juin 1989.
Comme je te disais l'autre jour, l'Antonov An-225 Mriya (« le rêve » en ukrainien) est un avion de transport hexaréacteur très-gros-porteur, qui a été produit en Ukraine et a reçu comme nom de code pour l'OTAN « Cossack ».
Pour le transport de fret, le chargement peut se faire par l'arrière mais aussi par l'avant... L'Antonov 225 n'a encore jamais été utilisé au maximum de son potentiel… D'un point de vue pilotage, il est aussi maniable qu'un avion de chasse, paraît-il. En effet, au cours d'une démonstration au-dessus du Bourget, il vira avec un angle de 45° avec la navette spatiale soviétique Bourane de 62 tonnes fixée sur son fuselage.
Tiens Jules, Papa Hôtel va te prouver tout cela en faisant le vol de ce soir avec la navette Bourane sur le dos...

L'Antonov 225 a servi à transporter Bourane de son site de construction à son site de lancement, tenant le même rôle que le 747 modifié Shuttle Carrier Aircraft pour les navettes spatiales américaines.
Ah, je me disais aussi que j'avais déjà vu ce genre de transport quelque part...
Cela ne pouvait être qu'aux Etats-Unis Jules...

Dîtes donc Patron, le B747 fait quand même un peu plus petit...
C'est exact, Jules, tu verras tout à l'heure une photo des deux appareils sur le tarmac... Le Shuttle Carrier Aircraft (SCA ou avion de transport de navette), est le nom de deux Boeing 747-100 modifiés pour le transport de la navette spatiale américaine. La navette étant bien trop grosse pour être mise en soute, elle est fixée sur le toit du SCA. Ces avions sont principalement utilisés pour déplacer les navettes de leur terrains d'atterrissage à leur base de lancement au Kennedy Space Center.

Mais dîtes Patron, la navette Bourane, c'est aussi une copie conforme de la navette américaine ?
Non pas exactement Jules... Du fait de similarités dans son aspect extérieur avec les navettes spatiales américaines et de concordances dans les dates de début du programme, certaines personnes pensent que la réalisation du programme Bourane est dû beaucoup à l'espionnage. Cependant il est admis que la ressemblance est seulement externe, pour des raisons aérodynamiques. L'intérieur de la navette et son avionique sont totalement de facture soviétique.

Le programme de vaisseau spatial réutilisable soviétique Bourane, Buran dans la transcription anglaise, (« Бура́н » qui signifie « tempête de neige » en russe) a été lancé en 1976 en réponse au programme américain de navettes spatiales.

Les dirigeants soviétiques, qui étaient persuadés que la navette spatiale serait utilisée à des fins militaires (ce en quoi ils n'avaient pas totalement tort puisque sa soute était dimensionnée pour accueillir des satellites espions), ont souhaité disposer d'un engin équivalent afin de maintenir l'équilibre des puissances durant la guerre froide.

Ce projet a été le plus important et le plus coûteux de l'histoire de l'exploration spatiale soviétique.

La navette elle-même a été lancée une seule fois et sans équipage le 15 novembre 1988 à 3 heures GMT. Elle a alors réussi l'exploit de se poser toute seule grâce à son ordinateur de bord, ce qui n'a jamais été tenté, car considéré comme trop risqué, avec les navettes américaines. Tu vois, Jules, les soviétiques ont fait là un petit exploit...
tarmac Ouais, Patron mais est-ce bien volontaire... Pourquoi n'ont-ils jamais envoyés un équipage dans leur navette ?
Ça, tu ne le sauras jamais... Bon, en attendant Jules, tu as chargé le CDU, tout est OK ?
fret Oui Patron, on peut demander la mise en route des moteurs et l'autorisation de rouler...
OK, faudrait y aller, c'est l'heure...
Golf Quebec vient de décoller... Golf Deux Fois est déjà en vol, bien au-dessus de lui...
Là c'est nous Jules... Derrière on a Golf Bravo et en-dessous Juliet Fox.
Vous voyez Patron, le Navigation Display nous indique que l'on va atteindre notre altitude de croisière bientôt... Le T/C montre le point "Top of Climb"...
Dis Jules, tu as vu que le TCAS était OFF... Tu sais le mettre ON ?
Non pas du tout Patron et j'ai demandé à ceux qui pilotaient aussi un B737 Wilco, ils ne savent pas non plus...
Ben faudra voir cela d'un peu plus près, car le TCAS c'est quand même utile quand on est en approche pour voir les autres avions aux alentours...
Golf Deux Fois nous passe au-dessus... C'est bizarre de voir ce lac en plein désert...
C'est un oasis Jules...

Le développement du programme Bourane commence au début des années 1970 en réponse au programme de la navette spatiale états-unienne. Bien que les ingénieurs préféraient un véhicule plus petit et plus léger avec un corps portant, les militaires firent pression pour avoir un engin de la même taille que les Américains afin de maintenir la parité stratégique entre les deux grandes puissances. La construction de la navette a débuté en 1980 et en 1984 le premier modèle est sorti des usines. En 1983 eu lieu le test suborbital d'un modèle réduit. Mais comme le projet prenait du retard, cinq autres vols de modèles réduits eurent lieu. Vingt-quatre vols d'essais ont eu lieu avec le premier modèle complet avant que la navette soit déclarée apte au service.

Alors Papa Hôtel, comment se passe ton vol ?
Tout va bien... mais vous savez les Russes, ils m'ont loué leur appareil mais par contre, c'est une location avec équipage... impossible de prendre la place du pilote en fonction...
C'est normal Papa Hôtel, ils en ont un seul d'appareil de ce type alors, la confiance, ils ne la louent pas avec...
En tous les cas, j'ai pris une photo du tableau de bord pour montrer à Jules... Ils l'ont un peu mis aux normes... On arrive à comprendre...
De Juliet Papa Lima à Papa Hôtel... Ben sur mon Airbus, le tableau est bien plus moderne et fonctionnel... Regarde un peu...
De papa Hôtel à Juliet Papa Lima : bien entendu mais les deux appareils ne sont pas comparables...
Ben tu verras, Airbus va bien nous sortir un de ces jours un A380 du genre du Beluga... et là, ton An-225 il sera dépassé...
Ça c'est sûr, surtout qu'ils en ont qu'un seul... et il ne sera pas éternel... Un jour ou l'autre, ils auront des problèmes de maintenance et devront arrêter les vols avec celui-ci...
Ben en tous les cas, pour le moment, il vole !
Golf Deux Fois, tu as vu à droite, encore un oasis  !
Oasis, oasis, c'est bon, c'est bon...
Bon Jules, regarde un peu les instruments... Golf Fox a déjà commencé sa descente, il est nettement en-dessous... Que faisons-nous ?
Patron, d'après le Navigation Display, on n'est pas encore arrivé au point T/D, "Top of Descent"... On doit l'atteindre bientôt avant TEKNA...
Bon, on va mettre l'altimètre à 2500 ft car sinon, le FMC ne va pas entamer sa descente...

Tiens, on a Golf Deux Fois au-dessus... On vient de passer Tarfaya, autrefois appelée "Villa bens" du temps du protectorat espagnol.

A noter, le 28 septembre 2004, un musée y a été ouvert, créé par l'association Mémoire d'Aéropostale, soutenue notamment par la mairie de Toulouse et Airbus. Ce musée a notamment été inauguré par le célèbre journaliste aéronautique Bernard Chabbert, dont le père participa également à l'aventure de l'aéropostale.

On est maintenant à la verticale du VOR de Tan-Tan... On vire vers Agadir qui se trouve à 330 km ... L'atterrissage est proche Jules, Tu es prêt ?
Pas de soucis, Patron je surveille les instruments...
On voit là-bas Juliet Papa Lima qui s'est trompé de taxiway et qui va vers la zone des ateliers...
Golf Deux Fois en courte finale...
Au fait Patron, Bourane est vraiment différente de la navette américaine ?
Oui Jules,
  • Bourane a été conçue dès le départ pour effectuer des vols habités et non-habités avec la possibilité d'atterrir automatiquement comme lors de son premier vol.
  • Bourane n'a pas de propulseurs principaux. La fusée Energia sert de propulseur principal.
  • Il y a 4 propulseurs d'appoint (booster) avec des carburants et comburants liquides (kérosène/oxygène) sur le propulseur Energia au lieu de 2 propulseurs à poudre sur la navette américaine.
  • La fusée Energia qui sert de propulseur principal à Bourane n'est pas réutilisable alors que les propulseurs principaux (sur l'orbiteur) et les propulseurs d'appoint de la navette américaine le sont.
  • Bourane peut transporter 30 tonnes en orbite contre 25 pour la navette américaine.
  • Le rapport masse envoyée/masse retournée est de 6,5 pour Bourane contre 5,5 pour la navette américaine.
  • Bourane peut revenir sur Terre avec une charge de 20 tonnes contre 15 pour la navette américaine.
  • Le modèle de la surface externe de protection thermique est optimal et les séparations longitudinales des tuiles de protection sont orthogonales à la ligne d'écoulement de l'air ne présentant pas d'angles aigus.
  • Contrairement aux navettes américaines, qui sont de simples planeurs, Bourane dispose d'un réacteur utilisable lors du retour sur terre.
Energia

La fusée Energia qui propulse Bourane (on parle souvent du couple Energia-Bourane) est le lanceur le plus puissant jamais conçu. Malgré une longueur moins importante que la fusée Saturn V, sa puissance au décollage est pourtant supérieure à cette dernière.
Et pourquoi les Russes ont-ils tout laissé tomber ?
Le projet a été abandonné après son premier vol faute d'argent et du fait de la situation politique en URSS. Les deux autres navettes qui devaient être livrées en 1990 et 1992 n'ont jamais été achevées. Le projet a officiellement pris fin en 1993.
Quel gâchis !

Non, Jules ce n'est pas un immense gâchis... Finalement ce programme a tiré vers le haut la recherche en URSS, mais a aussi exalté la fierté nationale soviétique. Bourane devait servir de lien avec la station Mir qui a été lancée en 1986 et qui est restée en service jusqu'en 2001. Cependant quand Mir a finalement reçu la visite d'une navette spatiale, le visiteur était américain et non soviétique. Le module d'arrimage Mir-Bourane qui devait être utilisé pour les rendez-vous spatiaux a finalement été modifié pour servir à la connexion avec la navette américaine.

Les deux navettes assemblées 1.01 (bourane) et 1.02 (ptichka) et tout le reste du projet sont désormais la propriété de la république du Kazakhstan. Le 12 mai 2002, le toit du hangar abritant la navette 1.01 (la seule ayant fait un vol orbital) et le lanceur Energia sur lequel elle était montée s'est effondré suite à un mauvais entretien. L'accident a totalement détruit l'engin et tué 8 ouvriers.
Bourane 2.01 et 2.02 (cette deuxième série avait un poste de pilotage modifié) n'ont jamais quitté leur usine de Touchino où elles sont dans un piètre état. Des morceaux de ces véhicules ont été vendus sur Internet.

Ben dîtes, c'est vrai, le B747 a bien l'air petit à côté de l'Antonov... Patron, on a eu de la chance... Avec son poids, Papa Hôtel aurait bien pu provoquer un tremblement de terre à l'atterrissage...


Parle pas de malheur, Jules, ici, ils ont dégusté avec le tremblement de terre des années 60... Le tremblement de terre d'Agadir a eu lieu le 29 février 1960 à 23h40. La secousse dura 15 secondes et était d'une magnitude de 5,7 sur l'échelle de Richter. Le séisme avait fait de 12000 à 15000 morts, soit environ un tiers de la population, et environ 25000 blessés. C'est le séisme le plus destructeur et le plus meurtrier de l'histoire du Maroc. C'est également le séisme de magnitude "modérée" (moins de 6) le plus destructeur du XXe siècle . La gravité des dégâts est attribuée au fait que la secousse est survenue juste en-dessous de la ville et à la faible résistance des constructions anciennes. La ville semblait pourtant avoir été historiquement à l'abri des séismes, et ce n'est qu'après des recherches historiques que l'on se rendit compte que la ville, connue à l'époque sous le nom de Santa Cruz de Aguer avait déjà été détruite par un tremblement de terre en 1731, ce qui, a posteriori, expliquait sans doute la date de 1732 gravée sur le fronton de la porte de la Kasbah locale.

 

Opération de déchargement de fret...
Agadir L'aéroport d'Agadir juste au pied de l'Atlas...
Vue générale de l'aéroport Al Massira... Ce soir, il semble totalement réservé à l'aéroclub des Ailes Virtuelles...